L’art du Champa apparaît comme l’une des expressions majeures des arts anciens de l’Asie du Sud-Est. Il donna naissance à des créations originales et d’une grande sensibilité dans lesquelles l’héritage culturel de l’Inde ancienne est parfaitement assimilé.
D’origine austronésienne, les Cham se sont établis le long des côtes et des vallées fluviales du centre et du sud du Vietnam actuel dans le courant du premier millénaire avant notre ère. Les archéologues s’accordent aujourd’hui à considérer les vestiges de la culture de Sa Huynh (500 av. J.C. – 200) comme les plus anciennes traces de leur présence dans cette région ; les contacts commerciaux avec l’Inde et la Chine sont alors déjà bien attestés. Ils s’intensifient dans le courant des premiers siècles de notre ère quand les Cham adoptent les fondements de la civilisation indienne : l’écriture et les religions qu’elle véhicule.
Lentement refoulés vers le Sud ou absorbés par les Vietnamiens dont les conquêtes s’amorcent dès le Xe siècle, les Cham ne constituent plus aujourd’hui qu’une des 54 minorités ethniques du pays, dont les 130 000 représentants sont essentiellement regroupés dans la région de Phan Rang. Le Champa disparaît définitivement de la carte géopolitique de l’Asie du Sud-Est en 1832, lorsque ses dernières possessions méridionales sont englobées dans les provinces du Vietnam. À cette époque, pourtant, la plupart des territoires qui constituaient jadis le Champa ont été abandonnés depuis des siècles aux Vietnamiens et les temples ornés de sculptures sont rasés, abandonnés ou transformés par les nouveaux occupants des lieux.
À la fin du XIXe siècle, les Français installés au Vietnam commencent à s’intéresser au patrimoine ancien dont les vestiges intriguent et émerveillent. Les premières collections sont réunies par des amateurs, notamment à Da Nang, avant que les scientifiques, sous l’égide de l’École française d’Extrême-Orient, ne prennent la direction des travaux d’inventaire, de dégagement et de restauration des monuments Cham.
Les monuments Cham, édifiés en brique et enrichis de décors de grès, sont des tours-sanctuaires dont l’architecture dérive de modèles de l’Inde du Sud ; elles évoquent la “montagne”, séjour des dieux.. Dès les plus anciennes études consacrées au Champa et à son art, l’influence indienne qui marque nombre de monuments et de sculptures fut mise en évidence. Le temple cham par excellence (le kalan) est une tour-sanctuaire, demeure sur terre de la divinité à laquelle il est consacré. Il consiste en un monument dérivant de modèles indiens : édifice de plan carré surmonté d’une toiture à faux-étages décroissants. La brique employée comme matériau de construction exclusif tout au long de l’histoire Cham constitue une grande originalité. Aucun autre pays d’Asie du Sud-Est ne l’aura utilisée à une telle échelle et avec une telle maîtrise.
Les statuaires champa retiennent à la fois les iconographies des grandes religions indiennes, le bouddhisme et l’hindouisme, ainsi qu’une certaine manière d’aborder la représentation du divin, sous des traits toujours stylisés où transparaissent toutefois une certaine humanité. Au long de plus de mille ans d’histoire, la principale religion pratiquée au Champa fut le shivaïsme. Bien que l’hindouisme fut constamment privilégié par les souverains locaux, le bouddhisme fût aussi introduit au Champa. Les contacts que les Cham entretenaient avec l’Inde et la Chine depuis les premiers siècles de notre ère favorisèrent très tôt son arrivée.
Les chroniques chinoises font état de la présence du bouddhisme au Champa dès le Ve siècle. Deux cents ans plus tard, un pèlerin chinois mentionnait le Champa parmi les pays tenant la doctrine du Buddha en haute estime. C’est à cette époque qu’est attestée la présence du bouddhisme du grand véhicule (mahayana), notamment grâce aux représentations d’Avalokiteshvara, image la plus populaire, symbolisant la vertu de compassion, un des fondements de la pensée bouddhique. Mais c’est aux VIIIe et IXe siècles qu’a lieu l’épanouissement du mahayana au Champa, à la faveur d’échanges internationaux entre le nord-est de l’Inde et l’ensemble de l’Asie du Sud-Est.
Le Xe siècle constitue l’âge d’or artistique du Champa. De nombreux monuments datant de cette période nous sont parvenus en bon état de conservation ainsi qu’un nombre très important de sculptures provenant de sites comme Khuong My, My Son ou Tra Kieu. Les œuvres du début de la période (style de Khuong My, première moitié du Xe siècle) conservent certaines caractéristiques de l’art de Dong Duong : chevelure en pointe sur les tempes, traits des visages encore relativement accentués. Dans la deuxième phase du classicisme cham (style de Tra Kieu, seconde moitié du Xe siècle et début du XIe), la physionomie s’adoucit et les éléments décoratifs – bijoux, costumes, etc. – sont plus sobres. Le décor architectural et les monuments dans leur ensemble s’inscrivent dans la même perspective d’élégance et de pureté.
My Son, la “belle montagne”, est l’un des principaux sites cham. Situés au cœur d’un cirque montagneux, les temples sont regroupés en ensembles cohérents centrés sur un sanctuaire principal. À l’écart des centres urbains et commerçants, My Son était le domaine privé du dieu Shiva. Lors des travaux de dégagement des monuments de My Son en 1903, Henri Parmentier avait mis au jour un ensemble de petites sculptures presque identiques les unes aux autres.