Depuis longtemps, boire de l’alcool au chalumeau est une tradition des peuples des montagnes du Nord-Ouest, du Nord, et des Hauts-Plateaux.
On ne boit jamais en solitaire, mais toujours en communauté, et dans les grandes occasions comme au Nouvel An, pour fêter le printemps, pour un mariage, une naissance, un jubilé, une nouvelle maison, des retrouvailles, des anniversaires, et durant les fêtes commémoratives ou rituelles…
La composition de cet alcool à base de céréales est soigneusement cachée aux étrangers. Le secret réside dans les substances de fermentation, préparées à partir des feuilles de la forêt. Une fois les ingrédients mélangés, on enterre la jarre pendant exactement 100 jours. Plus on le laisse en terre, meilleur sera le produit. On obtient ensuite un extrait concentré, de couleur jaune et de consistance sirupeuse, qui embaume la pièce de son parfum délicieux. Il n’y a alors plus qu’à diluer cette substance avec de l’eau de source pour déguster cet alcool.
On l’appelle alcool au chalumeau car il ne se boit pas avec des tasses ou des verres, mais en l’aspirant directement à la jarre via une longue canne faite d’une tige de bambou (chalumeau). Cette canne, tout comme la jarre, sont des éléments de première importance. La jarre en particulier, est considérée par les habitants de la montagne comme une jarre sacrée possédant son génie gardien. Quelques ethnies la considèrent ainsi comme un trésor, aussi précieux qu’un éléphant ou que quelques dizaines de buffles.
Cet alcool peut se boire avec une seule ou plusieurs cannes. Le boire avec une seule, spécialement pendant les cérémonies sacrées, réaffirmera la solidarité des membres de la famille et de la communauté. Tout le monde, vivant ensemble dans un même village, travaillant les mêmes champs, sous la protection d’un même génie, boit avec la même canne pour se témoigner un amour mutuel, s’entraider et se réunir pour préserver l’existence et la continuité de la famille, comme celle de la coutume du couple.
À l’occasion de réjouissances populaires, la jarre est habituellement attaché au pilier à l’ouest de la maison, et on utilise plusieurs cannes, ce qui montre la réunion des biens individuels dans l’ensemble de ceux de la communauté. Il est dit que boire ensemble au son des gongs et des cymbales, dans une atmosphère de fête, aide au rapprochement entre les hommes, plus solidaires et plus ouverts. L’alcool aide à partager les joies et les peines, à oublier les anciens ressentiments, à chanter et à danser ensemble, à aider le fautif à se débarrasser de tout complexe et à reprendre sa place dans la communauté.
Pendant les fêtes, nombreuses sont les familles qui apportent leur propre jarre à la maison commune, pour montrer leur attachement à la communauté, mais aussi son talent, et son savoir-faire.